Des façons de dire.

Le poète dit. Le peintre recouvre. Le penseur sonde. Le romancier, en son imaginaire, paraphrase la nature humaine. Le corps dit aussi, avec grâce. Tous ont un point commun.

Exemple : Autonomie ? Liberté ? Libre arbitre ? Autant de séismes qui secouent et démantèlent parfois.

Le poète, la voix, dit avec grâce

« (…)

Si tu bouges

Si tu lis

Tu vas entendre la rivière hurler

Sentir la bogue de ton cœur

Les cendres de la dame bleue

        sans raison

Te hanter à nouveau

Rêve-toi dans la barbacane

Et vois le monde hululer

 

Ce n’est pas ta faute

Éric Costan

Le peintre recouvre

Enée, Guillaume Bourquin
Enée (héros légendaire troyen).

« C’est alors que les mots, les phrases, les chapitres, les alinéas, les points de suspension prirent sens dans l’espace. Les uns montant, les autres descendants, dans le cercle, le carré, la courbe et la droite. Les textes tentèrent de sauver leur peau en prenant la pose, en jouant les paysages. »

Guillaume Bourquin.

Le penseur sonde

(…) le problème de l’autonomie renvoie aussitôt, s’identifie même, au problème du rapport du sujet et de l’autre – ou des autres ; que l’autre ou les autres n’y apparaissent pas comme obstacles extérieurs ou malédiction subie – « l’Enfer, c’est les autres* », « il y a comme un maléfice de l’existence à plusieurs », mais comme constitutifs du sujet, de son problème et de sa solution possible (…) à savoir que l’existence humaine est une existence à plusieurs et que tout ce qui est dit en dehors de ce présupposé (…) est frappé de non-sens. (…)

Castoriadis, L’institution imaginaire de la société.

« L’auteur de cette phrase [Sartre] était sans doute certain qu’il ne portait rien en lui-même qui fût d’un autre (sans quoi il aurait pu tout aussi bien dire que l’Enfer c’était lui-même). »

Le romancier, en son imaginaire, paraphrase la nature humaine

« Elle marchait d’un pas trébuchant, tête baissée, le dos courbé et les genoux collés l’un contre l’autre, les bras repliés autour de Zélie accrochée à son cou. Elle était retombée plus bas que l’état de soumission, elle s’était affaissée à celui de servilité, de pantin bestialisé. Un homme est sorti de la foule qui la suivait en la huant, il a pris la direction du choeur des Furies en brandissant sa canne et en entonnant « Allons z’enfants de la patrie (…).

Pierre-Ephrem [dit Jésus le Boeuf], lui, n’admirait plus du tout sa mère, il avait  perdu d’un coup toute confiance et tout respect pour elle, il ne lui restait plus que des sentiments épars, de l’amour en lambeaux. (…) Jésus le Bœuf a remonté le cours du temps, il s’est arrêté souvent en chemin pour considérer tel ou tel instant de ce passé involuté, en caressant longuement les cals et les nœuds spiralés jusqu’à les abraser, les désentortiller, les écheveler dans le vent stellaire.

Par ce minutieux travail de dénouement et de polissage, il a peu à peu donné congé à ses ombres, le large à ses effrois, à ses remords, à ses rancunes. Il a donné l’absoute à ses morts. (…) Il s’est remis au monde à rebours, dans la clarté de cet apaisement, d’un profond détachement. Il a retourné le jeu obscur des agrippements et des emprises en s’enfonçant plus loin, très en amont de ces limbes, jusqu’à la source aussi ténue qu’impétueuse de la vie – une fleur de feu limpide dont la senteur, aussi fugace que prégnante, l’a ébloui. Alors les morts ont cessé de saisir le vif, de le lester et l’entraver. (…)

À présent, que chacun aille en liberté, en légèreté. Que Zélie échappe aux lois de toute pesanteur et vole au gré des vents cosmiques, des vents lumineux de cet Ailleurs dont elle rêvait derrière les barreaux de sa chambre. (…) Il repart de zéro. Mais ce zéro n’est pas un trou, pas un néant ni une misère, c’est un beau rond dans l’eau du temps. (…) Pierre se sauve. »

Sylvie Germain, L’Inaperçu.

Le corps dit aussi comme le poète, avec grâce.

Lac des cygnes Ballet d'Angelina Preljocaj
Lac des cygnes
Et tous ont en commun d’imprimer.

De l'autre côté du rideau...

Quand l’œuvre est dévoilée, on dissèque.

À bon ou mauvais escient, les hauts spécialistes font l’exégèse, le plus souvent posthume, des signes tracés par l’auteur. Le chroniqueur, critique spécialisé ou amateur, après sa propre dissection rassemble le tout et jauge (examen raisonné, objectif, qui s’attache à relever les qualités et les défauts et donne lieu à un jugement de valeur) ce dont le spectateur destinataire – lecteur, auditeur, observateur – ne devrait valablement tirer un quelconque bénéfice qu’après sa propre évaluation. Parmi les bloggeurs amateurs, avec les influenceurs (ce nouveau « métier » marketing qui tend à nous énamourer de tout et rien), il y a anguille sous roche…  Simples appâts, leurs avis se révèlent assez plats, comme des limandes… Mais les requins seraient en danger d’extinction.

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