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Je suis leurs traces : n’y-a-t-il pas plus juste science ontologique que celle tracée par la poésie ?
Antonio Machado (6 juillet 1875-22 février 1939), poète espagnol. L'une des figures du mouvement littéraire espagnol de la Génération de 98. Extrait de NO HAY CAMINO (sonatos V, Nuevas canciones (1917-1930).
Peut-être la main, en rêve
Peut-être la main, en rêve, du semeur d’étoiles, déclencha la musique oubliée comme une note jouée de l’immense lyre, et de l’humble vague à nos lèvres vint quelques mots vrais.
Chansons…
Tout passe et tout reste, mais ce que nous faisons c’est passer, passer chemin(s) faisant, des chemins sur la mer. Je n’ai jamais cherché la gloire, ni cherché à laisser dans la mémoire des hommes ma chanson ; j’aime les mondes subtils, sans apesanteur et délicats, comme des bulles de savon. J’aime les voir se peindre de soleil et de rouge, voler sous le ciel bleu, trembler soudainement et se rompre… Je n’ai jamais cherché la gloire.
Marcheur (Toi qui marches, Toi qui avances, Voyageur, au choix…) tes traces sont le chemin et rien d’autre ; marcheur, il n’existe pas de chemin, le chemin se fait en marchant. En marchant, le chemin se fait et en se retournant, on voit le chemin que jamais plus on ne foulera. Marcheur, il n’existe pas de chemin si ce n’est le sillage du passé sur la mer…
Il fut un temps dans ce lieu où aujourd’hui les bois s’habillent d’épines, se fit entendre la voix d’un poète crier « Marcheur, il n’existe pas de chemin, le chemin se fait en marchant… »
Souffle après souffle, vers après vers…
(…)
Texte original ici sonetos_v Machado
Traduction Zoé… (littéralement « Caminante » signifie « Marcheur » ; de même « golpe » peut être traduit par « coup », mais le mot golpe recouvre plusieurs sens et « souffle » me semble le plus idoine à reproduire l’idée émise). La partie en gras est la plus connue. Vous pouvez trouver ici sa traduction en 18 langues (anglais, grec moderne, esperanto, japonais, arabe, anglais, polonais…). Au passage, la dernière « interlettre » 54 de « Chemin Faisant » MCX-APC remonte à Janvier 2011 : site en jachère ?
Louis Aragon, poète, romancier et journaliste français (probablement 3 octobre 1897-24 décembre 1982). Les poètes, Prologue. Extrait.
Celui qui chante se torture
Quels cris en moi quel animal
Je tue ou quelle créature
Au nom du bien au nom du mal
Seuls le savent ceux qui se turent
Machado dort à Collioure
Trois pas suffirent hors d’Espagne
Que le ciel pour lui se fît lourd
Il s’assit dans cette campagne
Et ferma les yeux pour toujours
Au-dessus des eaux et des plaines
Au-dessus des toits des collines
Un plain-chant monte à gorge pleine
Est-ce vers l’étoile Hölderlin
Est-ce vers l’étoile Verlaine
(…)
La souffrance enfante les songes
Comme une ruche ses abeilles
L’homme crie où son fer le ronge
Et sa plaie engendre un soleil
Plus beau que les anciens mensonges
Je ne sais ce qui me possède
Et me pousse à dire à voix haute
Ni pour la pitié ni pour l’aide
Ni comme on avouerait ses fautes
Ce qui m’habite et qui m’obsède
Jasmin Limans. Poète contemporain. Extrait.
(…)
Fais comme le vent
Disperse toi dans chaque lettre
Eclate le signe et son silence
Frappe leur musique
Chante l’espace entre le sens
Habite le vide entre chaque mot
(…)