Louise Michel. László Krasznahorkai. Sade. Pasolini. Gramsci.

Hirondelle aux yeux noirs, hirondelle, je t’aime !

Je ne sais quel écho par toi m’est apporté

Des rivages lointains ; pour vivre, loi suprême,

Il me faut, comme à toi, l’air et la liberté.

Louise Michel, citée par Ananda Doe

Exil. Enfermement. Indifférence : des mots qui font froid non foi.

Sous le coup de la grâce, László Krasznahorkai

Après des semaines d’attente insupportable, l’annonce divulguée, à l’aube, par mégaphone et par affiches manuscrites de l’horaire précis du départ, nous avait tant galvanisés que, sans attendre le début de cette inepte cérémonie du soleil levant qui dégénérait depuis quelque temps, nous étions partis de divers points – proches ou lointains – de la capitale, et néanmoins du même endroit, à savoir du sous-sol, pareils aux rats qui, en raison de leurs exceptionnelles capacités de survie, étaient peu à peu devenus pour nous une sorte d’animal sacré, et à ce titre, l’objet exclusif de notre attention : nous sortîmes des caves et des excavations, de fosses ayant servi jadis de garde-manger, de puits de décantation et d’abris antiaériens temporaires, ou pour ceux qui jugeaient ces recours indignes de confiance, des tunnels du métro et des trains de banlieue, des profondeurs des bains thermaux et de chaînes de montagnes souterraines, voire du labyrinthe du réseau d’égouts, considéré comme l’abri le plus sûr de tous, et nous nous mîmes en route avec ou sans les bagages préparés longtemps à l’avance. Prétendre « que les rues s’étaient alors peuplées » aurait frisé l’outrance, car nous n’étions plus au total – comme il s’avéra plus tard – qu’une soixantaine en ville, un nombre restreint qui n’en stupéfia que certains – du moins, cela va sans dire, jusqu’à l’heure du départ –, car nul n’ignorait que depuis la fermeture des voies terrestres et aériennes, il ne restait qu’une solution : la voie fluviale, de sorte que l’EVA ne s’était pas trompée lorsqu’elle avait jugé qu’une navette fluviale de taille moyenne conviendrait parfaitement. (…)

Notre bateau remontait le fleuve (…) tranquillement, et nous portions un regard attendri, nous qui partagions le même sort malgré nos directions contraires, sur les objets que nous croisions au fil de l’eau : de vieilles cuvettes rouillées échouées sur la rive, des poëles à mazout et des réfrigérateurs éventrés retenus par les pierres du fleuve et, dérivant à nos côtés, des branches brisées, des pneus et des sièges de voitures, des barils en fer blanc et des jouets en plastique, des cadavres de chiens, de chevaux et de chevreuils ; et tandis que nous observions avec un intérêt croissant, quels qu’ils fussent, les objets qui passaient près de nous, nous comprîmes soudain que ce qui suscitait notre intérêt, notre attirance, et parfois même notre compassion, n’était autre que leur direction. (…) Nous gisions encore sur le pont, hébétés de fatigue, quand à la nuit tombée l’un de nous releva tout à coup la tête, se mit péniblement debout et gagna l’arrière du bateau, mais seul un grognement sourd accueillit ses paroles lorsque, désignant le paysage qui disparaissait à tout jamais dans la nuit noire, il s’écria avec un soulagement amer : « Bonnes gens ! Là-bas, c’était la Hongrie. »

 

Dans ce recueil de 8 nouvelles, « l’irrésistible drôlerie du grand prosateur hongrois se révèle toujours aussi percutante. Mais derrière une apparente désinvolture, László Krasznahorkai interroge la nature humaine, les illusions, la perfidie, la trahison, la paranoïa ».

J’ai voulu, moi aussi, comme Rabelais, faire de mes livres, des livres de haute graisse, et en les écrivant, mon esprit pétillait comme un champagne. Suis-je encore le même ? Réussirai-je à retrouver la trace d’un homme que l’on fit disparaître de la surface de la terre à 37 ans, en 1777 ?

Le marquis de Sade a subi un enfermement de vingt-sept années sur soixante-quatorze de vie…

Hommage à Gramsci de Pier Paolo Pasolini

Mais comme je possède l’histoire,
elle me possède, elle m’éclaire :

mais à quoi sert la lumière ?

Extrait de « Lo scandalo del contraddirmi » (Le scandale de me contredire).

Pourquoi je hais l'indifférence d'Antonio Gramsci

« Chez Gramsci, l’indignation ne suffit pas, si elle est le simple mouvement du coeur : elle commande l’analyse. Haïr l’indifférence, c’est à la fois haïr l’acceptation des choses comme elles vont et détester la confiance faite aux experts qui n’est autre que la paresse qui contribue au cours des choses quand elle ne se contente pas de la justifier. On trouvera ici un bréviaire de rébellion contre les choses comme elles vont et des instruments d’analyse. » 4e de couverture, Ed. Rivages.

« Il fait les cent pas, tourne, retourne ses phrases dans sa tête ; il écrit debout, le genou appuyé sur un tabouret. »

Après 9 ans de détention (condamné à 20 ans : « nous devons empêcher ce cerveau de fonctionner »), Antonio Gramsci, malade, passe de la liberté conditionnelle à la liberté plénière le 21 avril 1937. Il meurt à l’aube du 27 avril d’une hémorragie cérébrale.

Sauvons ceux qui peuvent l'être encore contre la perfide "banalité du mal"

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