Une fêlure d’Emmanuel Régniez

Quatre temps d'une vie. J’ai lu ce court ouvrage d’une traite.

Un quasi-poème d’une écriture sobre.

Le premier nous place sur un nuage rose. Celui dont tout nouveau-né doit rêver. Un conte.

« C’est ce paradis, ce long moment de paradis, que je souhaite raconter, que je souhaite reconstruire par les mots ; car les mots sont beaux, comme le furent mes parents, comme le fut mon enfance. »

Le deuxième nous resitue dans la réalité terrestre : le purgatoire pour les adeptes d’une faute originelle à expier.

« Ma famille se compose de mon père, de ma mère, de mes deux sœurs, et de moi, l’aîné. »

« Ma famille habite en huis clos. Nous sommes seuls face aux autres. « Tous des cons », dit mon père. »

Le troisième temps, c’est le récit de l’indicible. Les enfers dont les portes sont verrouillées. Un émoi intraduisible comme devant certaines toiles (je pense à Soutine).

« Je dois tout recommencer. Par « Il était une fois… » peut-être. C’est plus simple de prendre la voix du conte, pour dire ce qui doit être dit, pour raconter ce qui doit être raconté. » « Il était un soir que les enfants étaient couchés… (…) Ce que le père ne savait pas, c’est que la mère était une ogresse, d’un genre particulier, certes, mais une ogresse tout de même. »

Le quatrième, c’est l’apaisement grâce aux mots.

« Mon ami Michel m’apprend que la vie est réussie quand on a planté un arbre, écrit un livre et eu un enfant. Aujourd’hui, j’ai fait les trois. Je sais que je suis sauvé, et que la vengeance de l’ogresse ne peut plus m’atteindre, ne peut plus atteindre celles et ceux que j’aime. »

Emmanuel Régniez est écrivain. Son œuvre est publiée aux éditions Le Quartanier, Marges en page et au Tripode (3 ouvrages dont celui-ci). Je la fouillerai.