Pour pouvoir faire de la science-fiction un mode de connaissance, il faut non seulement être attentif au récit, mais aussi à ce qui se passe en arrière-plan, à tout ce qui relie les protagonistes au monde qui les entoure. Voilà qui peut aider à percevoir par exemple dans quelle mesure de nouvelles technologies peuvent affecter les modes de vie. »
Yannick Rumpala.
Je suis surprise quand des personnes me disent qu’elles n’entendent rien à la science-fiction. Blocage voire dégoût méprisant ?
Et plus encore sidérée quand je lis sous la plume d’un philosophe contemporain apprécié jusqu'à présent :
« Rien de plus étranger à moi que le transhumanisme qu'un article étrange m'attribue ou même la figure du posthumain toujours trop posthume et par conséquent négative, comme animée d'un deuil, d'un supplément de temps, pleurant la mort dans une simple promesse en résurrection. L'homme augmenté, ce n'est pas ma tasse de thé, , même si autour de l'inhumain, du monstrueux, la frontière est intéressante à explorer. Non, décidément, à ceux qui me confondent avec Frankenstein ou un Nexus 6 à la recherche d'un peu de temps, je dirais que c'est le surhumain qui m'intéresse en chaque ligne et donc la puissance qui nous fait grâce du passé au nom de l'avenir. Ce sont mes figures, cherchées dans les promesses de la philosophie, du cinéma, de la fiction autant que des dimensions de la géométrie nouvelle. L'éternité ne se rabat jamais sur la recherche d'un peu de temps. C'est un café plus fort qu'il me faut. »
Jean-martin Clet…
Dans quel siècle vit-il ?
Sonder l’Impensable n’est pas réservé au futur. Nous en avons la preuve aujourd’hui. Or le futur se crée sur le limon du présent…
À l’origine, la spécificité de la science-fiction, qui demeure aujourd’hui celle de la « Hard Sci-fi », était que les références à la science devaient être plausibles. Frankenstein n’a rien à voir avec la science-fiction, c’est de l’horreur pure. Ni vraiment Nexus VI (gros navet qui a néanmoins rapporté). Depuis le genre littéraire, catégorisé, a connu, comme chaque catégorie dont la littérature « blanche » ancrée dans le présent ou passéiste, ses propres petitesses, tous les ouvrages ne sont pas des chefs d’œuvres de profondeur.
À la différence de la fiction-récit d’aventure inspiré d’un sujet « réel », l’ouvrage de science-fiction prospecte, nous positionnant un peu plus en amont dans le temps et l’espace… À la suite d’une extrapolation travaillée à partir de signaux avant-coureurs non imaginaires, le récit mélange très souvent passé, présent, futur avec une particularité unique : lecteur et narrateur sont placés sur un pied d’égalité. Le futur est inconnu. Mais les hypothèses extrapolées, poussant à l’extrême des technologies, des expérimentations ou encore des organisations de sociétés possibles, invitent le lecteur à se poser des questions sur la société vers laquelle il souhaiterait tendre, notamment sur le bon usage des technologies et nourrissent sans doute plus pleinement les débats que les réflexions philosophiques en jachère aujourd’hui – au point mort comme le reste – ou encore réservées aux initiés.
Livre d’aventure comme un autre, les passéistes peuvent préférer les romans historiques ou les aventures de Robin des Bois, et les rêveurs les contes des Mille et une nuits ou Alice au pays des merveilles.
Quant aux fictions réalistes décrivant l’horreur inhumaine, ils me laissent aujourd’hui l’arrière-goût d’un gâchis incroyable. Tant de vies d’écrivains ou de poètes, consacrées à soulever le voile et montrer du doigt une autre sorte d’Impensable, auraient servi à si peu voire rien ?
Leurs ouvrages, redéposés au seuil de la porte quand ils ont été lus, n’auraient été pour les uns qu’une délectation passagère voire quasi voyeuriste pour certains ?
Une question que je me suis posée.
Pour pouvoir faire de la science-fiction un mode de connaissance, il faut non seulement être attentif au récit, mais aussi à ce qui se passe en arrière-plan, à tout ce qui relie les protagonistes au monde qui les entoure. Voilà qui peut aider à percevoir par exemple dans quelle mesure de nouvelles technologies peuvent affecter les modes de vie. »
Yannick Rumpala.
Film d’animation de science-fiction réalisé par René Laloux (1973).