Un livre peu quelconque, impressionnant, légèrement surréaliste, voyage de haut vol dans le marais de la pensée géométrisée pour aboutir sur la face cachée de la Lune !
La philosophie seule est-elle en mesure d'appréhender la nature dans toute sa complexité ? Cet ouvrage entend démontrer que ce n'est qu'appuyée par les mathématiques et la géométrie modernes — élaborées depuis Leibniz jusqu'à Riemann — que celle-ci peut élargir notre perception du réel bien au-delà de nos espaces vécus, par définition limités et en trois dimensions. Ainsi le geste créateur des mathématiques nous entraîne dans une nouvelle aventure de la pensée, capable d'aborder les domaines infinis qui dépassent de loin notre intuition de l'étendue, trop humaine.
4ème de couverture
Ô Liberté que tu es belle ainsi dévêtue…
Commencement, recommencement s'entrechoquent en un timbre fait d'événements brisés... Et pourquoi pas ? Peut-être le monde ne touche-t-il à son sens que dans des formes infiniment finies ? Un infini convergeant chaque fois vers son compte final. (...) Une chance de pouvoir recommencer tout autrement que ce qui était censé s'accomplir pour des choses soumises inflexiblement aux causes antécédentes. Une interruption franchie pour une onde nouvelle qui n'est plus suspendue tout à fait à ce qui précédait autrement que par transformation, amplification, résonance.
Chapitre Le péril de la liberté
Poète, conteur, bon pédagogue,
l’embarquement s’effectue sur une droite linéaire en compagnie des nombres premiers 2, 3, 5, 7, 11, 13, 17… à l’infini… — ou jusqu’aux portes de l’infini ? — passant par les séries logarithmiques et exponentielles… et autres jouissances des férus de Mathématiques parmi lesquels je ne figure pas…
Pavages du plan, carré, cercle, triangle, icosaèdre, etc. traversant le champ vous en bouchent un coin,
tout comme PI, les racines négatives, et les imaginaires, les x et autres inconnus bloqués dans leur expression quintique,
avant de rencontrer la fonction ζ, dans le paysage de l’autre côté du miroir
ou ces pics montagneux, alternant avec la chaîne des zéros coincés dans leurs creux sur la ligne de flottaison au niveau de la mer…
Dessins de Frédéric Dupré
Les séries paires et impaires ont beau se longer à pas égaux, la primalité ne se soumet pas à ce rythme régulier. Elle offre des intervalles démesurés par un accroissement moins lisse assurément que la courbe logarithmique dont elle se rapproche. Voici que, dans le délire de la raison, les hommes voient s'introduire, sous le cours des choses, la machinerie de leurs équations. Et les figures de s'additionner, se multiplier, équilibrer leurs racine entre des extrémités qui appartiennent finalement aux corps physiques. L'Idée est tombée dans le monde sensible. Elle ne trône plus dans l'au-delà des dieux : elle a sombré dans la matière, comme la roue d'Ixion que Shakespeare fait rouler en enfer."
La nature est bien sûr indifférente à l'abstraction théorique de l'intelligence humaine. Une telle intelligence, d'abord relative, est cependant emportée comme par un grand vent dans les tourments du réel.
(...) que vient faire la répartition des nombres premiers dans l'espacement qui régit la position des particules élémentaires ? On ne saurait en fournir la moindre réponse sauf à admettre entre les lois de l'esprit et de la matière un écho, un rythme, un saut qui, depuis la pensée, forcent les serrures de l'être...
Il y a sans doute une genèse de la matière qui est déjà hautement formalisée, comme si la théorie était déployée dans la gaine de son extension concrète, une expansion dont les symétries sont actives avant l'Homme, mais enrichies par son expérience pour accomplir le "pas au-delà". Nul ne saurait le contester, le plan de nature fleurit de toutes parts, dans ses déterminations les plus riches, les plus diversifiées, dans ses individuations toutes réelles.
Mon embarcation a failli chavirer plusieurs fois, je suis même, un long temps, restée figée, l’esprit protégé dans une zone que je me créai — en haut de la tangente qui touche la limite du cercle qu’elle coupe pour dépasser le 0 — m’abreuvant aux sources luxuriantes compréhensibles (en langage non mathématique) des philosophes du passé, Aristote, Platon, Descartes, Hegel, Kant, Nietzsche, Deleuze et consorts… et de quelques poètes…
[à propos des nombres imaginaires] Descartes n'aimait guère cet expédient de l'imagination. Il s'agit déjà d'une chimère à ses yeux, "un nombre impossible". Pour Kant encore, tout ce qui débordait du champ de l'expérience commune, de la droite des réels, semblait proscrit. On restait sagement enfermé sous l'esthétique d'une ombrelle très contraignante, sans jeter un oeil à travers la fente (...)
ou de celles des génies mathématiciens, émue par l’histoire du jeune Galois ou l’intelligence d’un Gauss, d’un Euler, d’un Renouvier ou Riemann…
Bref, piètre matheuse que je suis, sans les allégories indispensables à la compréhension de la démonstration passionnante quoique ardue de l’auteur, les ronces épineuses entourant ma lecture auraient eu raison de mon esprit…
Mais ma barque a tenu bon, découvrant même un élargissement philosophique au sens du mot « symétrie », terme rencontré de manière répétée au cours de cette magnifique promenade, voyage sans pareil qui m’incite (bien que quelque peu frustrée de n’avoir pu me représenter pleinement toutes les figures exposées ni même leur juste efficience) à découvrir ce que pourront révéler à mon entendement ces nouvelles méditations philosophiques du même auteur.

Quant aux dés, pardonnez-moi de faire l’impasse sur le non-dieu Hasard vous renvoyant à Borges ou Mallarmé…
Ne nous privons pas non plus de l’appréciation de l’auteur :
