Quand on ouvre sa porte à l’imaginaire…
Récit homérique. Vision anthropomorphique quelque peu déjantée d’un futur souhaité improbable.
PLANÈTE TERRE. ZÉRO ► MOINS UN…
Cet après-midi-là, la vie terrestre fut suspendue les pieds à l’envers, en-dessous de 0, puis passant le goulot d’étranglement du réel, nous franchîmes le récalcitrant « moins 1 ».
Il devait être seize heures. Je donnais une conférence ; d’un instant à l’autre, mon monde s’écroula. Je ne vis plus rien. Tout était dissipé sous une épaisse fumée. Ma tête était un tambour où les hurlements du crissement de la ferraille, des éclats de verre et les craquements des corps déchiquetés s’enfonçaient comme des clous… Des milliers de décibels m’estourbirent. Je m’évanouis… À mon réveil, ce fut à nouveau l’horreur. Je croyais avoir fait un mauvais rêve. Une bombe serait tombée ? C’est la seule chose qui vint à mon intelligence. Je me retrouvais dans un bourbier sans nom, recroquevillé sur le sol. Quel sol ? Le ciel fumait. Par endroit, une myriade d’astres le crevait. Passé le temps de la stupeur, je dus faire face à l’évidence. La réalité était un cauchemar. J’étais seul dans un fatras de béton de verre de bois de fer de chair, tout ce qui restait de ce qui avait été le centre de conférences où je discourais juste avant… Mon corps semblait entier. Seul mes esprits étaient brouillés. Tout autour, je discernais comme des barres. Barres de chair qui ressemblaient à la lettre H… Homo sans tête… Des milliards de segments multi-taille me mitraillaient. Fragments éthérés des corps humains ? Ces corps adultes et ceux de leurs petits étaient démembrés, puis furieusement emportés, envoyés valser dans l’orbe convulsée de Gaïa.
Je défaillis à nouveau…

Combien de temps restais-je évanoui ?
Sorti du second étourdissement, ma précédente vision, loin d’être onirique, flottait derrière mes paupières. Les maintenant fermées, je pris une profonde respiration. Mes poumons recrachèrent une vapeur âcre tandis que mes yeux dilatés filmaient la même monstruosité… Dans le silence désormais d’un vide sidéral. Aux alentours je n’entendais plus rien. Pas un pleur. Pas un gémissement. Pas un cri. Pas un souffle. Rien. Nul signe de vie. Étais-je mort ? me questionnai-je. Ou sourd, resté seul au monde ?
Un ange noir me ferma les yeux. Mais les dieux sont parfois miséricordieux…
Ce que je conte n’est pas une fiction. Ces faits sont réels. À qui je m’adresse ? Mystère… Ma compagne et moi sommes les derniers survivants de l’espèce humaine. Il y a peu — pour combien de temps ? — nous avons atterri dans ce qui semble une dimension inconnue. Nous sommes assis sur du sable vert sous un ciel ocre face à l’océan rubis. Dans un coin, soudainement bleu du ciel, un carnet étoilé tomba. Il était vierge. Ma compagne émit alors l’idée que nous racontions notre sombre aventure…
— Sans l’élixir, on ne va pas faire long feu… On s’y met ?
— Là, maintenant ? Je n’ai pas vraiment d’idées…
— On en trouvera ! Déjà orienter le récit. Alors, fin heureuse, dramatique ou en queue de poisson ?
— Queue de poisson !
— Oh, non ! C’est détestable Toa. Oh… Tu as entendu ?
— Quoi donc ?
— La voix.
— Que disait-elle ?
— Je n’ai rien compris !
— Tu rêves…
— Peu importe. Alors… heureuse ou dramatique ?
— On verra…
N’ayant plus que ma voix comme outil, je chante… La bouche et le cœur unis. Raconter une histoire n’est pas une mince affaire. Celle-ci sera sans doute décousue… Parler au passé du futur n’est pas une situation ordinaire. Il y a peu, nous étions six intellectuels. Six sachants terrestres. Petites particules tirées aux dés le jour du « Ça » — comme nous nommâmes la métacatastrophe, l’Inouï, l’Impensable, l’Inénarrable survenu détruisant la croûte terrestre. Cinq sortit en premier. Puis le six tomba lorsque ma compagne entra un peu plus tard dans l’Histoire. En nous quittant, j’ai fait le serment de renouveler notre promesse : « Jamais nous ne laisserons pour unique trace du savoir terrestre la non-intelligibilité humaine, duelle, mutilante, pitoyable, inhumaine, qui nous enserrait dans ses griffes ! » Nous y étions parvenus…
Mais l’Histoire a parfois une suite non prévue…
Vieux philosophe atypique, nonagénaire, avant la directive pleine de bonne intention de ma compagne, je n’aurais jamais songé à narrer nos aventures dignes de nos Adam, Prométhée, Icare et autres avatars mythologiques. J’étais plus préoccupé à tenter de reconstruire un nouveau monde sur un mode différent de la débilocratie. Durant de longues années, néanmoins, je consignai tout dans un journal intime. Mon pensum pour le futur. Mes premiers textes n’étaient qu’une pelote de fils décousus. Il va sans dire qu’il m’a fallu un certain temps pour retrouver la catharsis des mots… Après le Ça, un bunker s’était dressé entre eux et moi. Les années qui s’écoulèrent ensuite, pendant lesquelles nous avons survécu, furent remplies d’étrangetés. Tout fut mémorisé dans le moindre détail, parfaitement imprimé dans ma boîte noire. Passer de 0 à moins 1, on peut en être fier et terriblement marqué pour autant… Ainsi, aussi loin d’être un conte, il est probable que la suite du récit de nos aventures homériques pourra paraître chimérique à l’être rationnel — entendu pourvu de raison comme aurait dû l’être le Terrien, dit aussi l’Humain, habitant le globe terrestre durant des milliards d’années — présupposé que je retiens pour celui qui captera ma voix. Sinon à quoi pourrait servir ma parole ?
Il vient, en effet, parfois un temps, dans l’itinéraire d’une vie, où des événements extraordinaires se produisent — disait Kenneth White, un de nos grands poètes disparus dont la parole, immortelle, s’entend toujours… Avant de poursuivre, je dois donc formuler trois vœux, confiés de même aux oreilles de l’Immaculé concepteur du monde. Le premier : que ma voix porte suffisamment haut et loin pour rejoindre l’écho originel. Le deuxième : que cet Être suprême, s’il en est un, ait fait en sorte que mes possibles auditeurs soient à même de décoder notre langage (chez nous c’était la tâche du cerveau). Le troisième : que ce récit aura quelque sens pour eux… Je ne chercherai pas à procurer des frissons et relaterai notre épopée comme le souvenir, si possible chronologique, me vient. Nonobstant, cela m’amène à fournir une dernière précision élémentaire préliminaire. L’être humain fonctionnait selon un mode complexe quasi paradoxal. Renfermant toutes les possibilités en lui et s’animant au moyen de sens reliés par un circuit neurologique au cerveau (soit comme un appareil branché au courant électrique, une de nos grandes inventions), l’expression humaine visuelle devait, à l’aide de formes, couleurs, signes et symboles codifiés transmis par les sens, répercuter des émotions (peur, joie, peine, tristesse, intérêt, dégoût, curiosité, etc.), elles-mêmes codées et se transformant à la longue, entretenues, en sentiments plus ou moins durables que corrigeait sa logique, celle apprise ou adaptée par son intuition selon ses aptitudes et croyances. Nos récits humains avaient donc pour but d’atteindre ces sens et comme, malgré l’épisode « onien » qui va suivre, nous avons conservé tous nos attributs humains, vous en trouverez immanquablement la trace. Quatre ou cinq jours après ce jour maudit, je me réveillai dans un lieu inconnu, allongé sur un épais matelas à même le sol. Une ombre se pencha sur moi et une voix croassante secoua vivement mon épaule. « Toua, ton nom ? » Couché sur le dos, j’avais voulu me retourner. Mon corps endolori ne me suivit pas. Parvenant tout juste à tourner le cou, mon regard tomba sur un curieux scaphandrier.
Tout éberlué, je m’exclamai intérieurement. Non, non, je ne rêve pas, le rugissement provient bien de ce crapaud tombé du ciel !
Saisissant le premier fil d’idée, surpris par le tutoiement je répétai tout à trac : Toi ? Non ! Je m’appelle TO-A ! — TO-A, comment ? Je ne savais plus… J’avais mal. Très mal. Mon corps entier me faisait mal. Froid aussi. Très froid. J’étais quasi nu et rêvais du paradis. Désignant du doigt un des murs du lieu, le « crapaud » m’ordonna de me lever et de rejoindre un groupe d’hommes. À grand-peine je m’exécutai et rejoignis des individus mâles affalés. Une trentaine. Nus ou quasi nus comme moi sous nos lambeaux de vêtements. Tandis que je scrutais ces visages étrangers, la voix et le doigt continua de réveiller les endormis. Je vis passer ma voisine du grand matelas. Ton nom ? l’interrogea la voix. – Marie répondit le corps. – Va t’asseoir là, Marie. Pour la femme, le doigt pointa le mur opposé à celui me soutenant. Première réflexion consciente qui vint à mon cerveau, j’observai que pour elle, soit l’énergumène avait été pris d’un sursaut de pitié, soit le nom de famille était sans importance… En quelque sorte, ça me rassura. Cela ne pouvait qu’augurer que je logeais toujours sur Terre… Ce lieu était un refuge sans fenêtre ni porte apparente. Un abri nucléaire ? Quelques réminiscences surgirent. Je songeai aux refuges pour le futur. Quelques mois plus tôt leur construction sur chacun des sept continents-empires nouvellement créés avait été décidée. Je testai ma mémoire. Afrique, Asie (Russie incluse), Antarctique, Europe le plus petit, Océanie et les deux Amériques Nord & Ibérique. Un effort épuisant. J’abandonnai aussitôt toute réflexion et me contentai de suivre des yeux l’étrange ballet macabre qui s’animait sous mon regard. Des têtes, toutes étrangères, venaient grossir les deux groupes. Je ne décomptai qu’une dizaine de femmes. Toutes adultes. Je regardais dans une sorte d’absence quand soudain je ressentis une étrange angoisse. Puis ce fut le choc. J’étais avec Alex ! Où était-il ?
Je n’ai jamais rien noté sur cet épisode. Seuls mes rêves extravaguent encore, parfois…. Généralement, ça disjoncte. Plus de son, plus de mot, je n’ai que l’image. Comme ce jour-là, mes rétines me dessinent un O. Je le vois muer en 8, étranglé en son centre par une main. Esquissé à l’encre sympathique, chacune de mes larmes, perles d’écume incandescente, me précisent fidèlement les détails. La main est humaine, les phalanges velues. Celles d’un fauve. Il n’y a que l’être humain, celui qu’on appelait frère ou sœur, pour être responsable d’un tel cataclysme. Consciemment, ce jour-là, je crachai le morceau… L’effet fut radical. Salvateur. Je me calmai. Et comme si l’assagissement m’aurait éclairci la vue, j’aperçus une silhouette. Mon cœur prit le relais de la colère. Il battit la chamade. Non, non ! Je ne peux pas rêver, ce squelette fracassé, c’est bien Alex ! Alex G. alias le « Génie des maths du XXIe siècle ».
Je ne vous donnerai pas les noms propres, c’est aujourd’hui sans intérêt malgré l’envie de rendre un dernier hommage à mes amis… Juste après la survenue du cataclysme, je n’avais eu que les chromos sépia de mes relations amies authentiques, un lien rare, pour m’accrocher mort-vivant à l’insoutenable réalité… Ces pâles figurines, fantômes opaques de mon vécu, avaient recueilli ma folie. J’avais voulu mourir de la mort tranquille des fous, recroquevillé en fœtus sur ma couche de poussière comme disait Verhaeren, l’un de nos nombreux poètes. Hélas, encore hélas… Sonnez trompettes, le sort tout souriant s’en mêla : ses cuivres acclamèrent la vie… La conférence que je donnais se tenait à proximité du village où Alex, ancien matheux visionnaire, s’était retranché du monde. J’entrepris, quasi indemne, miraculeusement épargné, de le rejoindre dans son Occitanie profonde et le retrouvai, également sain et sauf, enfoui sous les décombres de sa maison. Il m’entraîna alors dans un périple insensé. Nous ciblions les emplacements des grands lieux de la recherche, l’espoir au cœur de retrouver d’autres collègues qui auraient pu survivre… En vain… Je me revois, en songe à peine édulcoré, sillonnant sous un ciel gris anthracite rempli de l’ombre de monstres noirs, la croûte terrestre dévastée, exsangue. Les corps ensanglantés nous marchons l’un derrière l’autre, éclairés sporadiquement par les crachats d’un Ouranos rageur. Nous progressons lentement. De tas de poudre en tas de poudre, titubant dans un bourbier gris recouvert d’une fine poussière vaguement rosée et à chaque emplacement de ce qui avait dû être un lieu de Recherche nous forons inlassablement. Nous retournons les décombres en tous sens, remuant de nos mains nues chaque talus, d’immenses monceaux de fer, de verre, de terre et de chair cendrée aux effluves nauséabonds. Ce jour-là, nous croisâmes un premier congénère hirsute, nous lui dîmes que nous étions à la recherche de collègues disparus. De quoi parles-tu étranger ? Sa réponse raviva nos méninges… C’est alors que la raison, épisodiquement calmée à intervalles de plus en plus courts, s’emballa chez Alex. Il brandit sa canne volatilisée jusqu’aux cieux et battant férocement le vide de son extrémité, il s’adressa aux dieux.
Tiens, Yahvé ! Tiens, Doux Jésus ! Tiens, Allah Akbar ! Monothéistes de merde !
Chose à laquelle je n’avais pas encore songé… Quelle étrange mémoire humaine. Qui aurait pu l’entendre ? Tout autour, il n’y avait plus âme qui vive. Ni rat ni vautour. Ni fée ni flore. Plus aucuns atours. Nous continuâmes d’avancer… Vers où ? Là-bas nous confortions-nous à tour de rôle. Là-bas, nous nous préparions à ce que la vie soit meilleure. La mémoire y serait précieusement protégée pour n’être transmise qu’aux sages parmi les plus sages.
Une hallucination. Le monde terrestre ne fut jamais qu’une mascarade. Fantasmagorie de chaque instant…
Combien de temps avions-nous ainsi marché ? Quel périmètre avions-nous couvert avant de nous perdre ? Ces questions n’ont jamais eu de réponse. Ce fut l’un de nos salutaires trous de mémoire, nous remémorant simplement la faim, les blessures et la peur qui nous tenaillaient, foulant à moitié nus un bourbier sans nom avant que nous fûmes séparés, puis qu’une miséricorde nous accorda d’autres douceurs… Un miracle peut en cacher un autre…
Alors qu’Alex et moi attendions notre évacuation à l’air libre, nous tenant côte à côte dans une longue file de rescapés, mon ami caqueta. Toua. Toua. Toua… Suivi d’un Oh, Tô-A, Tô-A ! Regarde ! (petit aparté de moyenne importance, mon nom de baptême est Apollonios). Dirigeant alors mon regard dans la direction visée m’apparurent les spectres d’Edgar M. et d’Étienne K. Edgar fut l’ultime sociophilosophe terrestre de valeur. Il était ma plus ancienne relation amicale et professionnelle. Ami lui-même de longue date avec Alex, il me l’avait présenté. Et Étienne, sans être une relation proche de l’un de nous trois, était impossible à ne pas connaître au moins de nom — celui-ci était associé pour les amateurs de physique au Boson de Higgs, une énorme découverte scientifique, possible clef de voûte de la structure fondamentale de la matière qui contribua fortement à avancer dans l’explication du Tout, soit à résoudre la quadrature du cercle de nos existences ou trouver le Graal… Bon je m’emballe un peu… Étienne demeurera le dernier physiphilosophe des sciences terrestres. Il était accompagné d’un jeune homme collé à ses baskets, terrifié (nous l’étions tous). Aurel était un étudiant prometteur en cosmogonie et, tout juste âgé d’une trentaine d’années, le plus jeune et le plus vigoureux du quintette que nous formâmes sur-le-champ, découvrant ensemble, soudés, le nouveau monde qui nous accueillit… Parvenus à l’extérieur, l’émotion nous prit d’assaut. De nos bouches sortit un cri d’orfraie, proche du premier trauma du nouveau-né, plus puissant que le vent hurlant à nos oreilles. Un brouillard opaque, grisâtre, recouvrait nos têtes. Une burqa céleste… Nous traversâmes une dévastation grise, transbahutés tels des pantins désactivés. Destination : un Éden provisoire. Sur le trajet, nos sauveurs se fendirent d’une information.
« La croûte et le manteau du globe terrestre ont été détruits sur une profondeur conséquente. En l’état des renseignements en notre possession, la surface habitable est atomisée de part en part et les océans déplacés. Nous sommes sans flotte aérienne. Nous avons dû rétablir un passage terrestre. »
Des mots, comme d’autres, qui restent intacts, à peine déformés… Installés comme des bêtes conduites à l’abattage dans d’étranges wagonnets chenillés, nous régurgitions les souvenirs. Alex était juif, plus exactement, permettez, la précision est de taille, un descendant du royaume mythologique de David. Nos religions, les cinq plus grandes étaient le christianisme, l’islam, le judaïsme, l’hindouisme et le bouddhisme. Elles furent les plus grandes persécutrices de l’Humanité (mot regroupant l’ensemble des humains). Enfant, Alex avait été terrorisé. À propos de la burqa, c’était un vêtement féminin, méprisant, masquant religieusement le regard par un grillage festonné. Elle avait su faire bouillonner le sang des femmes islamites privées de vue… Échafaudé avec une célérité intrigante, nous fûmes consignés dans cet Éden provisoire durant six mois, retenus en quarantaine sanitaire. Le camp se composait de deux bâtiments. L’un, de plain-pied, abrita nos sauveurs ; l’autre, s’élevant sur plusieurs niveaux, fut notre première prison pour chacun de nous (le temps qu’ils transforment la planète et ses derniers locataires). Ce fut vite l’angoisse. Lors de notre recensement initial, on nous attribua un matricule dans l’ordre de notre sauvetage. Curieusement les lettres On précédaient le numéro. Les chambres des rescapés étaient individuelles. Je découvris la mienne avec une certaine réserve. Trois mètres carrés sur trois. Un luxe pour ce qui se rapprochait d’une cellule carcérale. Peu meublées, toutes identiques, elles étaient équipées en tout et pour tout d’une table, d’une chaise, d’un caisson de rangement et d’une planche métallique sans ressort, approximativement de deux mètres de long sur un de large, en guise de lit. Mince et long comme un haricot vert, mes cent-quatre-vingt-dix centimètres tinrent confortablement. Ce qui ne fut pas le cas pour les carrures d’ours malvenues sur cette néoplanète. Malgré l’inquiétude lancinante je ne songeai, ce jour-là, qu’à la première nuit reposante à venir. L’équipe de soignants nous avait appliqué un baume calmant sur nos plaies nettoyées. Nos membres étaient recouverts de cloques. Dans l’abri, des essaims de fourmis rouges avaient dû trouver notre chair à leur goût… Mais les jours suivants, l’ataraxie fut loin d’être au menu… Après l’hébétude tétanisante des premières heures, ce fut l’effondrement total. L’impuissance m’a toujours été insupportable. Autant que l’abscons. Pis que les pensées les plus abstruses, sa compréhension est improbable…
(…)